Le déroulement de la thérapie brève stratégique
On sait que certains événements du passé peuvent laisser des blessures importantes chez l'individu. Quelqu'un peut avoir vécu des situations dramatiques mais on ne peut jamais savoir si ces événements vont conduire cette personne à vivre dans une sorte de trou noir pendant le reste de sa vie ou, au contraire, l'amener à développer des capacités hors du commun: les réactions de l'entourage, leurs commentaires, leurs réponses, peuvent modifier complètement l'impact d'expériences parfois très douloureuses vécues par des enfants.
Il en va de même pour les adultes. On entend parfois certaines personnes dire ou relayer des expressions telles que: "on ne peut jamais se remettre d'un viol, d'un divorce, d'un abandon, d'un inceste, de l'absence d'un père, de la perte d'un enfant,..." On constate aujourd'hui que ce sont précisément ces commentaires définitifs qui peuvent cimenter l'inéluctabilité de la prédiction. On peut arriver à dépasser ces expériences terribles, on a le droit de vouloir qu'elles ne nous empêchent pas de tirer profit du reste de notre vie: les clés de la résolution du problème créé dans le passé ne sont pas enfouies dans le passé, elles sont dans la création actuelle du souvenir du passé, dans la façon dont nous y réagissons aujourd'hui.
Bref, on peut dire que le passé reste présent si le présent renforce le passé! C'est en soignant le présent qu'on permet aux patients de guérir de leur passé, non pas en les amenant à prendre conscience de l'impact de l'expérience passée mais en les aidant à trouver des solutions aux difficultés engendrées par le passé dans leur vie actuelle.
La cible du traitement devient donc l'arrêt des tentatives de solution inefficaces qui, au lieu de permettre une disparition du problème, envenime la situation par un processus d'escalade. Giorgio Nardone a réussi à systématiser certaines grandes classes de "tentatives de solution". Il a pu montrer, résultats thérapeutiques à l'appui, que l'évitement systématique d'une situation effrayante peut conduire à un trouble phobique, un effort répété pour s'endormir conduire à l'insomnie, une volonté répétée pour arrêter un comportement parasite mener à une compulsion, un effort excessif pour lutter contre l'envie de nourriture conduire à des crises de boulimie, une volonté de contrôle d'un comportement non souhaité entraîner son exacerbation, etc. Toutes les difficultés personnelles, relationnelles, familiales, peuvent s'analyser de cette manière.
L'importance de la communication dans le processus thérapeutique
L'objectif du psychothérapeute apparaît donc clairement: il va utiliser toutes les ressources de la communication pour faire en sorte que son patient renonce à ses tentatives de solution de sorte que le système puisse trouver une façon créative de se réguler. Si le modèle de Palo Alto est donc d'une grande simplicité, un fantastique réducteur de complexité pour l'approche des difficultés humaines en général, proche de l'épure, la mise en oeuvre des interventions thérapeutiques peut nécessiter un savoir faire complexe. Il s'agit, pour le thérapeute, de trouver les meilleures techniques et stratégies de communication pour que le patient puisse renoncer à ses tentatives de solution en sachant que, la plupart du temps, tous ses apprentissages antérieurs et sa construction du monde l'y poussent inexorablement.
C'est ainsi que le clinicien devra apprendre à créer un contexte relationnel sécurisant, à manier les techniques de changement, notamment l'usage du contre paradoxe (la technique de la prescription du symptôme, notamment) et se montrer suffisamment créatif pour imaginer des prescriptions, c'est-à-dire des "tâches", des expériences concrètes qui, lorsque le patient les mettra en oeuvre, le conduiront inévitablement à renoncer à ses tentatives de solution habituelles.
Ces expériences permettent de recadrer la manière cognitive d'interpréter le problème. Elles sont soigneusement construites en vue de servir d'"expérience émotionnelle correctrice" (Alexander), permettant au patient de vivre la situation problématique habituelle sur un mode émotionnel inconnu jusque-là dans ce contexte "pathologique". Mais d'un point de vue théorique, chacune de ces stratégies a comme objectif premier d'arrêter les tentatives de solution qui maintiennent le problème. Contrairement aux idées largement répandues dans le secteur, l'approche interactionnelle considère que le changement précède la prise de conscience: si tu veux voir, apprends à agir disait le cybernéticien von Foerster. Pour l'approche systémique et stratégique, la pathologie ne se trouve pas chez l'individu mais au sein des relations. En changeant la structure de la relation, on change inévitablement, pour chacun des partenaires, le sens, l'émotion, le comportement et l'interaction elle-même.
On le voit, il s'agit d'une méthode éminemment pragmatique qui considère que le changement ne passe pas par la prise de conscience des "causes" du problème mais que c'est la mise en oeuvre concrète d'un nouveau mode de régulation de la difficulté qui conduit à sa résolution. Cependant, ce changement, lorsqu'il est effectif, produit à la fois une réorganisation plus fonctionnelle au niveau cognitif, émotionnel, comportemental et relationnel, donnant à l'individu une plus grande souplesse adaptative pour affronter un milieu sans cesse en évolution.